via : tahitinui.blog.lemonde.fr
Le soleil brillait sur la mer
« Les légendes, les histoires appartiennent à ceux qui savent les dire… Et aussi à ceux qui savent rêver en les écoutant. »
Alors, accompagné du fond sonore des tambours qui, au loin, rythmaient les chants de la koika enana ressuscitée (autrefois la grande fête marquisienne, à caractère d’ostentation, sur une place publique à gradins aménagée spécialement et appelée tohua koika), dans le murmure du ressac de la plage proche, sous la voûte dorée des myriades de constellations qui font la magie de la nuit des îles, René Haiti Uki entreprit de conter sa version de la création du Fenua Enata, la Terre des Hommes, connue en Occident sous le nom d’îles Marquises…
« Oatea et Atanua engendrent un fils, Tu mea (le commencement ?), puis Atea crée successivement l’année des dieux inférieurs, les cieux, la terre, les hommes, en un mot tout ce qui existe. » Ce « Tout ce qui existe », le système théologique et théocratique complexe des anciens Marquisiens l’avait répertorié et organisé. Un voyage au temps où les beaux parlers originels des tukuna, prêtres récitants, libéraient « l’éclosion des mondes, la naissance des étoiles, le façonnage des vivants, les ruts et les monstrueux labeurs des dieux maoris ».
Eia i na po omua
E pohue a’a Oatea me ta ia vehine o Atanua …
… Il y a longtemps, longtemps,
Le soleil brillait sur la mer,
Mais dans la mer il n’y avait pas d’île.
Vivaient en ce temps-là
Oatea et sa femme Atanua .
Ils n’avaient pas de maison,
Puisqu’il n’y avait pas d’île
Pour construire les maisons.
Alors Atanua dit à son mari :
« On ne peut pas bien vivre sans maison. »
Oatea ne répondit pas. Il pensait :
« Comment vais-je faire pour construire une maison ? »
Oatea invoqua les dieux, ses ancêtres.
Un soir, il dit à Atanua :
« Cette nuit, je vais construire notre maison.
Maintenant je sais comment faire. »
II faisait nuit.
La voix d’Oatea s’entendait seule dans le noir.
Il dansait et chantait :
Aka-Oa e, Aka-Poto e, Aka-Nui e, Akaïti e,
Aka-Pito e, Aaka-Hana e, Haka-Tu te Hae.
L’invocation finie, le travail commença.
L’emplacement fut choisi : dans le milieu de l’Océan.
Deux piliers furent dressés : Ua Pou.
Une longue poutre fut placée sur les deux piliers : Hiva Oa.
Alors il fallut assembler les piliers, la poutre,
Le toit devant et le toit en arrière,
Te ka’ava ao, te ka’ava tua.
C’est Nuku-Hiva,
La maison est couverte de feuilles de cocotiers tressées, Fatu.
La maison était grande.
Il fallait neuf feuilles de cocotier tressées
Pour la couvrir dans sa longueur : O Fatuiva.
C’est long le travail de tresser les feuilles de cocotier,
Et de faire de la corde avec de la bourre de coco.
Le temps passe, il passe vite.
Oatea travaille, travaille sans arrêt.
Soudain Atanua crie à son mari :
« La lumière du jour commence à éclairer l’horizon du ciel. »
O Tahuata.
« Moho l’oiseau du matin chante déjà » Mohotani.
Oatea sans s’arrêter répond : « Je finis. »
Il me reste à creuser un trou
Pour y mettre tout le surplus de feuilles
Et de bourre de coco » : O Ua-Huka.
Alors le soleil se lève et illumine l’Océan.
Voici la maison construite par Oatea.
Atanua sa femme s’écrie : Ei, ei, ei, ua ao, ua ao, O Eiao.
Ua Pou, Hiva Oa, Nuku Hiva, Fatu Hiva, Mohotani, Tahuata, Ua Huka et Eiao, voici donc les îles au complet, toutes neuves, ruisselantes de lumière dans le soleil levant.
Texte de Jean-Louis Candelot
n’ 1, p. 30-32, Éditions Haere-Po-No Publipress, Tahiti, 1985.
2 autres fins de cette légende :
Ei, ei ua ao ua ao te Henua Enana
Attention ! Attention ! S’illumine, s’illumine , s’illumine la Terre des Hommes
ou
C’est ainsi qu’en une nuit fut créée la Terre des Hommes
in Marquises (Association des historiens et géographes de Polynésie française / Centre territorial de recherche et de documentation pédagogique , Ed. Polyèdre Culture Pirae (Tahiti), 1996)
🙂
vous allez essayer d’apprendre quelques mots de Marquisien, ou ça sera trop compliqué ? ça n’a pas l’air évident du tout en tout cas, d’après la vidéo !
C’est une langue que je trouve très difficile, car il y a beaucoup de sons que nous ne connaissons pas, la façon d’aspirer le ‘h’ ne nous est vraiment pas familière, les intonations sont très variées et très précises (très difficiles à retenir pour ma part).
Le plus facile, accessible à tous : nana (au revoir)
et en arrivant Ka’oha (bonjour, en marquisien)
on se disait justement avec Marine qu’il y avait beaucoup de voyelles dans la langue, Taa’oa, Hiva Oa, Hanaiapa, Faa’a, …
… est-ce que vous savez ce que ça veut dire « Oa » ? Baie ?